Ces dernières années ont vu émerger chez les designers un intérêt pour la programmation, le hack et les valeurs du mouvement du logiciel libre. Le design graphique libre, tel que le définit Étienne Ozeray, emprunte des chemins détournés pour concevoir des objets graphiques singuliers. L'utilisation de ces objets techniques pousse le designer à faire un pas côté dans son écosystème de création, quitte à accepter une certaine maladresse. Son expertise se déplace : de la maîtrise de l’outil vers l’intuition des formes et compositions. Dans ce processus itératif, l’outil libre devient la matière au même titre que l’information à traiter.
Plusieurs objectifs pédagogiques se dégagent : interroger l’influence des outils sur les formes du design graphique, proposer une découverte de la programmation servant une pratique graphique, ouvrir des perspectives vers la culture du libre et considérer de nouveaux objets alternatifs.
Nous proposons d’expérimenter par la pratique différents concepts apparus ces dernières années dans le champ de la création graphique : impressions depuis du code, fontes variables, images algorithmiques, etc. Ces concepts seront utilisés pour créer des productions hybrides (poster animé, édition papier et numérique, sites web expérimentaux), difficilement concevables par l’unique utilisation des logiciels conventionnels du design graphique. Ainsi, nous envisagerons la perspective d’une culture technique du design à travers un rapport sensible et créatif aux technologies numériques.
Le module de recherche création pourra proposer la présentation de différents outils et technologies libres ainsi que l’intervention de théoriciens et praticiens travaillant sur cette thématique.
Enseignants
Lucile Haute, artiste et chercheuse associée à EnsadLab
A Reddit Book est un projet de génération éditoriale à partir de posts existants sur reddit, qui se concentre plus particulièrement sur les posts composés de texte uniquement.
S'il s'inscrit définitivement dans une logique de pérennisation, il interroge surtout les formes de représentation hybride d'un contenu emprunté au numérique.
Ce projet est une première étape; ce n'est pas une fin en soi. Le but était de parvenir à générer des formes basées sur un contenu existant, en passant d'abord par une retranscription à l'écran dans un système graphique donné, puis en liant cette étape à la création d'un objet éditorial. Il s'agissait donc non seulement d'exporter le contenu, mais aussi de récupérer la mise en forme offerte par Reddit à ses utilisateurs.
À terme cependant, ce projet se transformerait plutôt en outil destiné à la retranscription d'un travail d'écriture collaboratif, autour d'un thème donné, mené avec des anonymes sur Reddit.
Mon projet découle de dessins que je réalise à la main dans lesquels j’insère de la typographie. Les mots se moulent aux dessins, ils s’adaptent à l’espace. C’est pour cela que j’ai voulu créer une typographie variable à partir des lettres que je dessine. Ma typographie peut s’étirer en largeur, en hauteur, en profondeur. J’ai alors dessiné chaque caractère en 3 formats différents puis j’en ai fait des polices d’écriture fonctionnelles.
Le but de ce projet est de realiser des affiches intéractives dans lesquelles la typographie devient le dessin et est modulable à l’infini et dans le meilleur des cas, être en mouvement.
Outils utilisés
Glyphr
Lila Dagna Woszezenczuk : Résistance des paroles oubliées
On croit qu’aujourd’hui avec la technologie nous sommes arrivés à une sorte de
démocratisation de la production culturelle, même si dans le plan communicatif nous
sommes conditionnés par la matrice dogmatique imposée par le big data et notre activité sur
internet. La rue, le métro, les écrans de nos portables sont pleins d'informations numériques
incontrôlables. La parole est décomplexée et la lecture partielle, superficielle, entrecoupée.
Être hors du système numérique est devenu un acte presque révolutionnaire.
Avec l’adoption de ce langage numérique, j’ai commencé par chercher ce que le présent
avait rejeté… Est-ce qu’on peut sauver la culture d'une langue ancienne ?
Dans la censure que le temps exerce sur un discours oublié, il y a quelque chose qui reste
encore à faire. Sa résistance à la disparition implique, dans beaucoup de cas, le besoin de
revoir certains concepts et de les traduire aujourd’hui. Ce dont on se souvient - ce qui reste
ancré dans nos esprits - est un puzzle avec des trous : chaque pièce absente invoque une
nouvelle interprétation.
Le dispositif “Résistance des paroles oubliées” a un objectif éducatif sur l’histoire de
différents usages de la langue. En même temps il aspire à adopter une attitude active dans
la construction d’un nouveau moyen de communication collectif, permettant la proposition, le
jeu et l’impression/conservation des informations recueillies toujours différentes, toujours
personnelles, toujours créatives avec des animations qui tentent de recréer sensiblement la
façon dont ce discours a été transformé dans notre présent... un présent qui n'existe pas
mais qui sera toujours projeté dans le futur.
Le but de ce projet est d’apporter un éclairage sur le processus de changement dans la
langue, afin de remplir ensemble les pièces manquantes du puzzle.
Ce site web cherche aussi à expérimenter la création graphique d’une manière quelque peu
incontrôlable, avec des outils qui chaque jour essaient de construire leur propre liberté : il y a
des références intéressantes, drôles et étranges, qui sont des ressources numériques
ouvertes qui font partie du discours collectif brisé de nos jours. Mon objectif a été, surtout,
d’explorer ce concept et de découvrir qu’à l’époque des médias de masse et de
l’immédiateté, lire le passé peut aussi être un acte révolutionnaire.
L’histoire se passe dans une réalité dans laquelle la science est assez développée pour commercialiser l’immortalité digitale.
Cela consiste à télécharger le contenu de sa conscience, de ses pensées, ses interactions au mondes et ses souvenirs sur un support détaché du corps, des disques, un Cloud... Le processus et encore très récent.
Nous suivons la vie (la mort) d’une âme qui se retrouve bloquée entre son existence physique et le paradis de l’immortalité digitale, un état de pleine conscience car son Cloud de données est saturé. Elle est en surplus de data. La machine chargée d’opérer cette transaction ne peut pas la laisser quitter cet état, elle se retrouve condamnée à visionner ses souvenirs et en supprimer pour libérer de l’espace, et enfin se rappeler de sa mort.
Je questionne le rapport que nous avons entre archives et mémoire, quelle trace laissons-nous à travers nos datas lorsque nous quittons la Terre.
En utilisant mes archives et mes propres souvenirs, je joue avec les codes numériques et culturels lié aux différentes époques qui émanent à travers mes propres documents et l’émotion qui leurs sont associés. J’ai fait le choix de faire intervenir aussi bien des bouts de vie auxquelles on peut s’identifier que des dimensions abstraites qui n’existent que dans l’espace du terminal.
Ce qui m'intéresse ici, ce sont nos rapports aux innovations et l'imaginaire qui en émane, l'espace fantasmagorique qui existe entre le sensible et la surface technologique. Je mélange des plans de cinéma dit de fiction et des captures écrans, je travaille également à la source des images en générant du data moshing qui cultivent ce lien entre mémoire incertaine et l’ordinateur comme extension du cerveau.
Je fais référence au courant de la cyber-culture - je pense aux travaux de Stewart Brand “Whole Earth Catalog” qui pose l’ordinateur comme moyen d’accéder aux pouvoirs cachés du cerveau humain - à l’idée selon laquelle la technologique permet à l’humain d’accéder à la transcendance. Je mets en avant les liens entre spirituel et technologique, l’idée d’un Nirvana, d’une conscience globale comme organe collectif conscient, avec le désir de rejoindre le Tout.
Travailler avec ce sujet me permet aussi de soulever une question existentielle, qu’est-ce qu’on laisse de nous particulièrement dans une ère où notre data, certaines actions, nos échanges et vie sociale est enregistrée. Quelle lecture, quelle écriture subiront ces contenus? Cette réalité laisse place à un imaginaire, celui de la narration, la lecture qui en sera faite rétroactivement.
À l’instar de l’archive “AFROGALACTICA” proposée par Kapwani Kiwanga qui re crée des archives de toute pièce pour donner à voir une réalité - un passé que l’histoire a décidé d’ignorer, je propose lecture de l’histoire à travers la fiction.
Je propose une lecture de l’espace de la data digitale comme extension de d’un inconscient individuel et collectif. De par ce biais là, je suis nourrie par la démarche de “Immemory” de Chris Maker qui a construit un modèle mécanique de la mémoire.
Screenshots du film
Louis Fourel : Boucles et interactions
Pour ce workshop de MRC libre hybridation, j'ai décidé d'envisager l'animation sous un angle nouveau pour moi : en utilisant du code. Pour cela, j'ai commencé à travailler avec P5.js, qui est une librairie JavaScript assez intuitive et simple d'utilisation, ce qui m'a donc permis de rapidement avancer et m'amuser.
Après quelques expériences avec P5.js, deux points me semblaient naturels à traiter : la notion de boucle animée (loop) et de l'intéractivité avec celle ci.
La boucle, tout d'abord parce que c'est une esthétique que j'aime utiliser en animation, en particulier pour ses qualités envoutantes et hypnotisantes, autant lors de sa fabrication que lors du visionnage. Les mêmes images sont faites et montrées encore et encore.
De plus, le loop est directement incrit dans P5.js, via la function 'draw()'. Contrairement à la function 'setup()' qui ne donne qu'une seule fois ses ordres, 'draw()' demande à l'ordinateur d'exécuter les actions sans fin jusqu'à ce qu'un évènement ne vienne l'en empêcher et/ou modifient ces actions.
C'est à ce moment là que l'intéractivité rentre en jeu. Et très vite, au fur et à mesure que je m'abituait aux commandes, l'intéractivité à pris le dessus sur le loop. Tout ce qui était impossible à faire en animation traditionnelle m'a plu : modifier les couleurs, les tailles, les formes... Et le fait que tout cela se passe pendant que l'animation avait encore lieu est assez facinant.
Les notions de loops et d'interractions sont les seuls liens entre les différents petits segments montrés dans le rendu. Aucune narration n'a été pensé en amont, et les formes et les mouvements sont venus suites aux nouvelles fontions de P5.js que je découvrais. Ces formes, animations et jeux sont très simples mais c'était très fun à faire.
Outils utilisés
P5.JS
Cliquer sur l'une des vignettes pour voir l'animation